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Procès de Périgueux : témoignage

J’ai assisté au procès d’assises de Claude Duviau. Avant de m’y rendre j’ai pensé que je devais faire un compte rendu ; Samedi matin, après le procès, je ne sais plus s’il fallait en faire un, restituer un ressenti, des impressions, des émotions, des agacements…

C’est difficile d’entrer dans une salle d’assises au moment où le verdict va être prononcé, j’y ai, à cet instant, entendu un silence si lourd et si pesant qu’il était nécessaire qu’il cesse.

Il n’est pas si facile d’entendre le verdict rendu.

30 ans d’emprisonnement, même si l’on sait qu’on souhaitait une condamnation sévère, une multitude de mots s’entrechoquent : liberté, cellule, mort, famille, justice, intime conviction, irrémédiable, vérité… Lorsque l’on croit en l’homme, c’est forcément triste.

Tout au long de ces jours, j’ai entendu des choses les plus odieuses mais aussi les plus belles et généreuses.

J’ai entendu prononcer des mots et des phrases insensées de la part d’un meurtrier qui voulait atténuer sa responsabilité et ses actes

J’ai vu des experts précis, concis, contradictoires mais qui nous ont fait toucher l’horreur du meurtre.

J’ai regardé des jurés d’assises, aucun ne payant de mine, des femmes et des hommes ordinaires, investis de ce cette mission suprême : juger en notre nom à tous un de nos semblables. Je ne les ai pas enviés, j’ai deviné des nuits probablement sans sommeil, la peur de se tromper peut-être,

J’ai vu des collègues qui avaient quitté nos services, d’autres en retraite mais qui étaient là.

J’ai vu des collègues émus jusqu’aux larmes, l’identification aux victimes toujours présente à l’esprit, les laissant sidérés.

J’ai fortement ressenti dans mes tripes, dans mon cœur le réquisitoire de Monsieur l’avocat général, qui nous a redonné une légitimité.

J’ai été, comme tous, émue par son humanité, par sa sincérité, par sa mise à la portée de tous, et en premier lieu des jurés.

J’ai vu un président du tribunal s’attachant à des faits qui nous paraissaient secondaires mais qui faisait sûrement son boulot

J’ai pensé à nos ministres qui, s’ils avaient cru devoir venir ne serait-ce que la dernière matinée de ce procès d’assises auraient peut être compris la nature et la difficulté du métier que nous exerçons.

J’ai pensé à la " modestie " de ces ministres lorsqu’il s’est agi de défendre leurs agents abattus comme du gibier. J’ai pensé à leur absence d’engagement aux cotés de leurs agents, si incompréhensible, si indéfendable, l’apanage de ceux qui refusent de s’engager. J’ai pensé qu’ils étaient décidément bien lâches.

J’ai vu et entendu des avocats qui ont défendu les victimes, les parties civiles des syndicats et associations, et l’accusé, tâche ingrate forcément. Il ne furent pas tous bons, ils ne furent pas tous éloquents.

J’ai vu des tribuns dont je ne me suis pas approchée, j’ai vu des porteurs de la parole des autres que j’ai fuis, j’ai vu des gens qui, j’espère, sauront être "dignes", intègres, et honnêtes par la suite.


Article publié le mercredi 27 juin 2007