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Décès de Luc Béal-Rainaldy : quand l’émotion et la colère nous empêchent de nous taire

Luc Béal-Rainaldy, récemment promu inspecteur du travail, militant syndical et politique de longue date, a
mis fin à ses jours mercredi 4 mai 2011 en se jetant depuis le 5ème étage dans la cage d’escaliers de
l’immeuble de la DAGEMO, à Paris.

Notre syndicat a adressé un message au syndicat SNU par lequel il lui communiquait son soutien fraternel et
sa totale solidarité. Ce soutien et cette solidarité se portent également vers la famille et les proches de Luc,
dont font partie les militant-e-s du syndicat qu’il dirigeait.

Il reste que sa mort brutale a provoqué un choc et une émotion considérables parmi nous. Par sa violence
d’abord, mais également par ses causes, qui ont ajouté l’indignation et la colère à la à la sidération et à la
tristesse.

L’indignation et la colère, parce que Luc n’est pas le premier agent de notre ministère à se donner à la mort,
ni à tenter de se la donner.

L’indignation et la colère, parce qu’il ne s’est pas donné la mort pour des raisons exclusivement intimes et
personnelles. Le syndicat SNU, dont il était un responsable national, a ainsi indiqué le 5 mai dans un
communiqué – contrariant la communication médiatique totalement imprudente de la DAGEMO : « Au-delà
de l’immense peine et de l’incompréhension ressenties, ce geste intervient dans un contexte où le rouleau
compresseur de la RGPP déstabilise les individus et les missions du Ministère du Travail. La dureté des
relations sociales au sein de ce Ministère (suprême paradoxe !), ainsi que celle des relations intersyndicales
l’affectaient profondément. Le rythme effréné des réformes, qui broient les services de l’Etat et leurs agents
et détruisent les valeurs du service public, et l’incessant simulacre de dialogue social auront conduit Luc à
l’épuisement et à une impasse, lui qui cherchait constamment l’unité syndicale et était en colère devant
l’injustice ».

L’indignation et la colère, toujours, parce que notre administration (du ministre BERTRAND aux directeurs
régionaux ou départementaux en passant par le DAGEMO ou le DGT), aveugle et sourde aux alertes des
agents comme de leurs syndicats depuis des années, pense pouvoir se contenter d’afficher sa « profonde
tristesse » ou son « émotion » face au « drame », de la mise en place d’une « cellule d’assistance
psychologique » et de la réunion d’un comité d’hygiène et de sécurité ministériel (tandis d’ailleurs que les
comités régionaux ont tous été supprimés au mois d’octobre 2010)...

Nous refusons, pour notre part, d’en rester là ! C’est trop facile !

Il y a, en effet, quelques semaines, nous remettions collectivement et en main propre à la DIRECCTE, puis
au DAGEMO, une pétition intersyndicale lancée par SUD, le SNU et la CGT, intitulée précisément « Halte
au mépris et à la casse ! », signée par plus de 330 d’entre nous, dans laquelle nous mettions en cause la politique conduite par le gouvernement (fidèlement relayée et mise en oeuvre par ses représentant-e-s locaux) et ses conséquences dramatiques sur les agents, leur santé, leurs conditions quotidiennes de travail, le sens de leur travail, leur avenir professionnel, comme sur le service public, largement atteint par les coupes budgétaires, le non-remplacement des agents partant à la retraite, l’absence de recrutement d’agents de catégorie C, la suppression de missions ou de mesures, la politique du chiffre et du « résultat ».

Cette alarme, nous la sonnons depuis des années et sur tous les terrains – statutaires, salariaux, immobiliers, celui des moyens matériels et humains, celui des pressions hiérarchiques, etc.

Que nous oppose l’administration ? Que c’est comme ça et que ça n’ira pas en s’améliorant, qu’il faut savoir s’adapter à la modernité et accepter le changement, qu’il faut savoir faire preuve de souplesse parce que ça rend intelligent, que la situation de nos services n’a rien de dramatique comparée à celle d’autres services ou entreprises, que nous allons voir ce que nous allons voir quand la règle du « 1 sur 2 » s’appliquera vraiment, que nous sommes bien payés pour ce que nous faisons, que la vraie souffrance n’est pas la notre, mais celle des chômeurs, et on en passe et des meilleurs !

C’est un scandale et ça ne peut pas durer !

La mort de Luc fait aujourd’hui écho aux milles difficultés et problèmes que nous rencontrons et éprouvons – comme Luc les a lui-même éprouvés en tant qu’agent comme en tant que syndicaliste – depuis de trop nombreuses années. La situation ne cesse de se tendre : des agents croulent sous la charge, ne perçoivent plus le sens de ce qu’ils font ou ont à faire, sont mis sous pression par les injonctions hiérarchiques pressantes, pressées et trop souvent décalées du travail réel, ils craquent, quand ils ne s’effondrent pas en pleurs. Des services n’assurent plus correctement la mission qui est la leur, ferment leurs portes au public pour pouvoir travailler ou parce qu’ils n’ont plus les moyens de l’accueillir, sont mis à mal par le manque de moyens.

Il faut donc non seulement que le gouvernement et les hauts dirigeants de notre ministère entendent ce que nous leur disons : nous savons mieux qu’eux ce que nous avons à faire, comment le faire et ce dont nous avons besoin pour le faire.

Mais il faut également que nos directeurs locaux entendent et comprennent enfin que nos interpellations et alertes ne sont ni du vent ni des caprices d’enfants trop gâtés, mais qu’elles expriment les situations telles qu’elles sont, c’est à dire de plus en plus difficiles à vivre et inacceptables.

C’est pourquoi, en accord avec le syndicat SNU-TEF/FSU, nous appelons les agents et les militant-e-s des syndicats de la DIRECCTE à manifester leur émotion, leur tristesse, leur indignation et leur colère en s’habillant en noir (et/ou en portant un brassard de la même couleur) mardi prochain, 10 mai 2011, et à quitter leurs bureaux à 11 heures pour se réunir et s’afficher au pied des immeubles où ils travaillent, munis des messages qu’ils souhaitent exprimer.

Lille, le 9 mai 2011

La section SUD Travail Affaires sociales de la DIRECCTE du Nord-Pas-de-Calais

Décès de Luc Béal-Rainaldy : quand l’émotion et la colère nous empêchent de nous taire


Article publié le lundi 9 mai 2011