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Dans la série noire "la DGT & l’amiante", nouvel épisode : les masques PROFLOW

Un nouvel épisode s’est produit ces dernières semaines dans la longue et triste série la Direction Générale du Travail & l’amiante.

Après avoir refusé de suivre les agents de contrôle exigeant des employeurs et maîtres d’ouvrage de vraies mesures d’évaluation et de prévention des risques sur les chantiers, la DGT vient de se faire retoquer par le TGI de Rouen en matière de retrait de colles amiantées (Ordonnance de Référé du 12/07/10) Dans la même série l’affaire Proflow est remarquable.

Petit rappel

En septembre et octobre 2009 la DGT recommande à ses agents l’utilisation sur les chantiers des masques à ventilation assistée PROFLOW ou PHANTOM de la marque SCOTT.
Quelques mois après, un des centres de maintenance de ces masques révèle que des poussières et des fibres d’amiante ont été retrouvées à l’intérieur des blocs moteur de ventilation et que donc ces masques portés sont contaminés. Ce centre révèle qu’un modèle, le PROFLOW, est le masque le plus contaminé. Suite à ce signalement la DGT, en avril 2010, lance une alerte à l’ensemble des services d’inspection du travail afin que, d’une part les directeurs régionaux suspendent l’utilisation des masques Proflow lors des contrôles des agents et d’autre part, que ces mêmes agents s’assurent de la mise à l’écart de ce type de masque sur les chantiers en cours. Une étude relative à la conformité du masque est lancée.

Le double discours

Alors que le 2 avril 2010 J.D Combrexelle (sorte de chef de l’Inspection du travail) demande aux agents de l’IT de battre la campagne pour faire mettre de côté ce masque douteux, le 15 juillet, au cours d’une réunion portes fermées avec les fédérations patronales du bâtiment (les associations de victimes de l’amiante n’ont pas eu l’honneur d’être conviées) le même J.D Combrexelle dénie toute mauvaise intention envers ses invités en leur déclarant que la note d’avril n’est pas une décision d’interdiction mais une application du principe de précaution. La DGT n’a jamais demandé ça … c’est eux (les agents de contrôle), c’est pas nous. Belle leçon de courage !

Pourtant le principe de précaution implique éventuellement la mise à l’écart du marché d’un produit et donc son interdiction au moins temporaire.

Cette note n’a pas été communiquée aux agents, les patrons sont partis avec, contents… sauf que J.D Combrexelle, dans le même mois édite une troisième note (le 30/07) destinée aux agents pour leur rappeler les termes de celle d’avril et en leur demandant d’en faire application.

On vous laisse imaginer le bazar que cela a pu produire sur des chantiers :
– Vous pouvez pas
– Si, je peux !
– Non, votre hiérarchie refuse !
– Si, elle l’exige !

Chacun brandit sa note, on les compare, tout le monde est ulcéré.
Instrumentalisation de l’inspection et des agents de prévention
L’enquête relative à la conformité du masque PROFLOW SCOTT devant logiquement aboutir à la confirmation de sa conformité aux normes actuellement définies ; la DGT recherche les causes de cette sur-représentation de ce modèle parmi les masques retrouvés contaminés. Les conditions d’utilisation sur les chantiers et les conditions de décontamination sont visées.

Avant d’arriver à la conclusion prévisible que ce sont les mauvaises utilisations sur les chantiers et surtout le non respect des procédures de décontamination qui sont à l’origine de cette pollution, la DGT lance une opération de « contrôles » des centres de maintenance des masques agréés par le fabricant en France.

Rappelons que les opérations de maintenance ne sont pas des opérations de décontamination, celles-ci étant normalement effectuées préalablement par les opérateurs sur les chantiers.

Cette campagne s’est traduite concrètement pour les agents de contrôle concernés, par une visite (on peut difficilement appeler ça un contrôle) d’entreprises listées, pour un thème et un objectif précis, à une date donnée et avec l’assistance d’un ingénieur de prévention.
En réunion avec les agents, La DGT a été claire avec eux : l’objectif est de lui donner des arguments face au fabricant qui devient belliqueux.
Tout sera bon à prendre, y compris les procédures éditées par le fabricant lui-même et non respectées par ses centres de maintenance.

La première partie de la fiche de contrôle, élaborée par la DGT, est conforme à cet objectif. Elle doit permettre de recueillir les procédés de maintenance des centres. Elle indique les données qui doivent être renseignées, relatives aux méthodes et différentes étapes de l’entretien et de la maintenance du masque (exemple : changement de la visière, démontage du boîtier d’alimentation …) : il ne s’agit donc pas à ce stade de contrôler si les salariés travaillent en sécurité, mais de vérifier si la prestation de maintenance est correctement effectuée.
Pour d’autres secteurs, cette commande de la DGT reviendrait à demander aux agents de contrôle de révéler les procédés de fabrication de l’entreprise contrôlée. La DGT aurait-elle besoin d’un stage en déontologie ?

Il est important de rappeler qu’aucun arrêté à ce jour n’a encore été soumis à la signature du ministre du travail pour imposer une vérification obligatoire des masques, sa périodicité, et son contenu. Les agents devront faire sans !

Il n’a pas pu être demandé aux agents de vérifier la bonne application de la procédure réglementaire de vérification des masques. Elle n’existe pas !

De plus, il n’appartient en aucun cas aux agents de contrôle de vérifier qu’un organisme accrédité pour effectuer des vérifications réglementaires réalise correctement ce travail.
Bref, il a été tout simplement demandé aux agents de recueillir des éléments d’enquête en dehors de leur champ de compétence et sur aucun fondement juridique.

Cette pratique n’est pas nouvelle à la DGT, on se rappellera la campagne de contrôles des niveaux d’empoussièrement en fibres fines et courtes où la DGT a demandé aux agents d’assister à ces prélèvements pour leur conférer une certaine qualité.
Est-ce la mission des agents de contrôle ou des ingénieurs de prévention ? Non, comme le nom l’indique, leur mission est bien le contrôle ou l’assistance au contrôle. La tâche est largement suffisante pour les occuper sans les envoyer faire de l’audit pour cela !
Ont-ils la qualification pour auditer des procédés de fabrication, de prélèvement, etc. ? Certainement pas.

On se souviendra aussi de la campagne ALGECCO. Un défaut de fabrication avait été décelé sur un type de préfabriqué, les agents ont été invités à accompagner le fabricant dans sa procédure d’alerte et de rappel de ces produits.

Ces mauvaises expériences illustrent ce à quoi tend la DGT, la prise en main de l’Inspection du travail pour des intérêts autres que ceux du service public par des contrôles imposés sur des entreprises désignées, sur des points de visite bien encadrés, au service d’une politique décidée en partenariat (cf : en réunion avec les patrons, portes fermées).

Une évaluation des risques sommaire et sa conséquence : la sous protection des agents.
Reste à s’attarder sur les conditions d’intervention des agents.
Les collègues en bute avec le manque de moyens d’investigation seront contents de savoir que le ministère peut réaliser des prélèvements et les faire analyser.

En effet, il a été demandé aux agents d’effectuer au moyen d’une lingette des prélèvements sur des masques PROFLOW utilisés et donc potentiellement contaminés par des fibres d’amiante friables. L’amiante est considéré comme friable et donc très dangereux quand les fibres se libèrent. On comprend bien que la manipulation des blocs moteur et l’introduction d’une lingette dans les conduits peut libérer des fibres déposées. La DGT ne s’en soucie pas.

Pour cette mission, après une évaluation des risques des plus sommaire, la DGT préconisait aux malheureux désignés volontaires de s’équiper d’une combinaison, de gants et d’un FFP3, c’est-à-dire un masque en papier bien insuffisant au regard des risques potentiels. On ne parle pas de l’absence de moyens pour se décontaminer, ni de l’absence d’instructions pour la gestion des déchets pour éviter de s’exposer et d’exposer des tiers après le contrôle. A force de fréquenter les patrons, la DGT agit avec ses agents comme certains le font avec leurs salariés.
C’est la preuve d’un mépris total pour la sécurité et la santé de nos collègues !

Mais la DGT ne s’arrête pas là et par une note du 27 octobre 2010 destinée aux services de l’inspection du travail elle lève l’alerte et n’émet plus de doutes quant à l’utilisation de ce masque, alors que rien ne vient expliquer la présence des fibres d’amiante dans ces masques, mais pas grave, la DGT dit de continuer avec ces masques.
C’est la preuve aussi d’un mépris total pour la sécurité et la santé de tous !

L’épisode masque PROFLOW n’est pas fini pour nous. Nous avons demandé à M. Combrexelle l’ensemble des documents dont il dispose sur cette affaire et son inscription à l’ordre du jour de la prochaine réunion du CHS ministériel.

Pendant ce temps là toujours pas d’arrêté de vérification obligatoire
des masques amiante !

Donc, pendant ce temps là, toujours pas de politique claire et ferme de la DGT en faveur de la protection maximale des travailleurs confrontés à l’amiante !

Donc, pendant ce temps là, de nouveau on se demande ce que fait l’Etat pour les travailleurs de l’amiante qui ont été contaminés !
Et on doute de sa capacité à le faire quand on voit comment il protège ses agents de contrôle.

Et pendant ce temps là, les agents sont toujours aussi démunis pour exiger un complément d’évaluation quand ils ont un doute sur un diagnostic !

Paris, le 24 novembre 2010

Télécharger le tract ProFlow Sud Travail


Article publié le vendredi 26 novembre 2010