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Affaire Tefal : compte-rendu d’audience du 16 octobre 2015, de la mobilisation et revue de presse

Compte-rendu d’audience

Sur l’audience : ce fut un procès à charge contre l’inspection du travail et les syndicats.

L’audience a duré sept heures de 14h à 21h.

Le Procureur, l’avocat de TEFAL et, moins attendu, la juge ont pris plaisir à attaquer l’inspection du travail, leurs prérogatives et les syndicats du ministère.

Laura a été entendue pendant presque 1h30. Elle a assuré, n’a pas répondu aux provocations du Procureur, de l’avocat TEFAL et de la juge.

Pendant plus d’une demi-heure Laura a été cuisinée sur son comportement d’inspectrice du travail, tout ça en vue de l’affaiblir, en vue de lui porter une mauvaise image et de démontrer que le problème vient d’elle. Ce n’est qu’au bout de ce temps que fut abordé les faits qui lui sont reprochés aujourd’hui.

Exemples :

- Vous n’avez pas des problèmes avec vos contrôleurs (avant la réforme) ? Pourquoi l’une d’entre elle a souhaité quitté votre section ?

- Sur le PV entrave CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) et le fait que l’employeur n’a pas transmis aux membres l’alerte détaillée du médecin du travail , la juge ne voit pas le problème. Le président est bien membre du CHSCT non ? et alors ? le CHSCT a bien été informé ?!

- Sur le PV obstacle que Laura Pfeiffer a dressé à l’égard d’une autre entreprise : menace physique d’un coup de boule, la juge sourit, « et vous estimez que c’est un obstacle ? »

- La juge : « Monsieur Dumont vous a reproché de ne pas prévenir de votre venue l’entreprise TEFAL sur un chantier, pourquoi vous faites cela vous pensez qu’en quelques minutes les salariés vont s’évaporer ? » et Laura de se justifier et de rappeler les prérogatives de l’IT, du droit de contrôle inopiné…

- Pourquoi n’avoir pas été en arrêt plus longtemps ? !!!!! en gros Laura Pfeiffer a repris le travail entre ses arrêts maladie et on lui en fait le reproche, en gros c’est de la comédie tout ça ! : ce fut le même comportement des médecins lors de la commission de réforme.

Pour le Procureur la saisine du CNIT (Conseil national de l’inspection du travail, instance "déontologique" de la profession) suffisait largement, voire contacter 1 ou 2 syndicats mais TOUS LES SYNDICATS ?!!! c’est contacter la terre entière ! et donc « c’est de la diffusion, ce n’est pas de la défense syndicale ».

Il est vrai que le Procureur a qualifié à plusieurs reprises les agents de l’inspection de « porteurs de pancartes ». Le naturel revient au galop…

Le juge a demandé à chaque inspecteur du travail appelé comme témoin quelle conception et définition du métier ils avaient. Tous ont répondu « vérifier si le code du travail est appliqué », un petit « écart » d’un des témoins qui a fait sauter sur place le procureur quand il a osé dire « protéger les plus faibles »… et le Procureur de s’exciter « non, l’inspection du travail n’est pas là pour protéger les plus faibles », l’inspecteur du travail agirait alors comme un syndicaliste…

Et oui ! Ces syndicats qui ne devraient pas exister au sein du ministère du travail, c’est bien ça le problème.

Un des témoins a osé dire qu’il avait fait un recours contre une décision de classement d’un PV en Haute Savoie, le Procureur a considéré que c’était des pressions exercées sur le parquet !

Les témoins ont eu le courage de venir expliquer la conception et le rôle de l’inspection du travail, ont été malmenés également par le juge également.

L’avocat de TEFAL a sorti en cours d’audience un courrier de TEFAL adressé au Direccte se plaignant de l’acharnement de l’inspection, celle-ci ayant diligenté un contrôle en novembre 2014, « ils étaient 4, vous vous rendez compte » et ce courrier se plaignant que les salariés n’ont pu s’exprimer librement et ont subi des pressions de la part de nos collègues…

La juge à Laura Pfeiffer : « pourquoi y être retournée à plusieurs ? » et Laura Pfeiffer ànouveau devant s’expliquer que vu le contexte avec l’entreprise un contrôle à plusieurs se pratique dans nos services. La juge ne comprenant toujours pas.

Bref, 6h d’attaques gratuites contre l’inspection du travail. Ce fut très dur.

Maître Leclerc, défenseur de Laura Pfeiffer, a attaqué dans sa plaidoirie l’impartialité du Procureur, a insisté sur la place des syndicats dans notre société (défense des intérêts moraux de la profession) et qu’ils ont une fonction sociale et la place des lanceurs d’alerte, que la violation du secret professionnel n’existe pas dans ce cas précis…

Le procureur a demandé une amende symbolique avec sursis pour le salarié lanceur d’alerte et 5000 euros d’amendes contre Laura Pfeiffer.

Le délibéré doit être rendu le 4 décembre.

Nous avons assisté à un véritable procès politique, à une justice de classe avec des regards bienveillants entre l’avocat de TEFAL, le Procureur et la juge souhaitant se payer l’inspection du travail et les syndicats.

DEHORS, plus de 1000 personnes s’étaient rassemblées, salariés de TEFAL et de quelques autres grosses entreprises du coin, de nombreux militants de l’interpro, et nombre également d’agents du ministère du travail en provenance de tous les départements de Rhône-Alpes, des régions limitrophes et de la région parisienne principalement, mais aussi Lorraine, Normandie, etc., et des interventions de soutien de plusieurs porte-paroles politiques.

Les confédérations CGT, FO, Solidaires, FSU et CNT ont tenu à marquer leur soutien à la collègue IT et au salarié lanceur d’alerte. Plus généralement, les OS ont dénoncé la politique actuelle visant à mettre à bas le Code du travail et la stratégie visant à masquer les dégâts continus du libéralisme en focalisant sur deux chemises déchirées. Des interventions de salariés en lutte et de plusieurs porte-paroles de partis politiques ont clôt ce temps de prises de parole.

C’est ensuite un « autre procès » TEFAL qui s’est tenu sur le parvis du Palais de justice par le collectif LACSE : des comédiens professionnels sont venus « faire » le procès TEFAL, avec ses acteurs (procureur, magistrat, patron de TEFAL etc. ) et ses intervenants (Gérard FILOCHE comme témoin, des salariés de TEFAL pour témoigner de leurs conditions de travail, des IT pour présenter les difficultés rencontrées dans l’exercice de leur métier, etc. ). Plus de 90 minutes à rire (parfois jaune) et à prendre la mesure des errements de la justice annecéenne… au point que le procès du dehors avait des accents moins caricaturaux que le procès du dedans.

Revue de presse

Comment l’affaire Tefal s’est muée en procès contre l’inspection du travail (Libération, 17 octobre 2015)

À Annecy, l’inspection du travail sur le banc des accusés (L’Humanité, 19 octobre 2015)

Une inspectrice du travail aux prises avec Tefal (Libération, 15 octobre 2015)

A Annecy, premier round judiciaire dans l’affaire Tefal (L’Humanité, 16 octobre 2015)

Tefal : une inspectrice du travail sur le banc des accusés à Annecy (Lyon Capitale, 15 octobre 2015)

Chez Tefal, l’inspection du travail sur le gril (Liaisons sociales, 16 octobre 2015)

Annecy : 5.000 euros d’amende requis contre une inspectrice du travail (AFP, 16 octobre 2015)

Une inspectrice du travail risque la prison pour avoir bien fait son boulot (Bastamag, 16 octobre 2015)

Affaire Tefal : le procès d’une inspectrice du travail trop gênante (Le Monde, 16 octobre 2015)

Tefal : la troublante affaire d’une inspectrice du travail poursuivie en justice (L’Express, 16 octobre 2015)

France 3 :
- journal 12/13
- journal 19/20

Affaire Tefal : une justice à deux vitesses (Politis, 17 octobre 2015)

Annecy : 5000 d’euros d’amende requis (Le Dauphiné libéré, 17 octobre 2015)


Article publié le jeudi 22 octobre 2015