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RGPP : la grande casse !


Déclaration préliminaire du syndicat SUD TRAVAIL AFFAIRES SOCIALES au CTPM du 13 novembre 2008

Document téléchargeable en bas de page

Qu’il s’agisse de PDMIT, de Fusion ou de RGPP, partout nous voyons une politique délibérée, voulue et pensée de rompre avec les principes fondateurs de la fonction publique tels que définis au sortir du 2nd conflit mondial.

Partout s’affirme le niveau d’organisation par région, associé à la liberté d’innover, de réorganiser, de redécouper à sa guise les services. SUD Travail Affaires Sociales réaffirme son opposition à cette décentralisation proprement féodale du service public, lequel se verra redécoupé en fiefs par les nouveaux fermiers généraux du régime, qui s’en verront attribuer les morceaux de choix en fonction de leur souplesse d’échine ou de leur degré de compatibilité avec les politiques du moment.

Le PDMIT entre dans une nouvelle phase en 2009, le grand barnum des créations de postes se conclut et que constate-t-on ?
Nous constatons que la hiérarchie revendique aujourd’hui ce qu’elle disait être forcée d’appliquer hier, une correspondance de 0,5 agents de secrétariat par agent de contrôle, secrétaires administratifs inclus. Nous en concluons que l’objectif était bien la restriction des effectifs de secrétariat, au-delà du problème de manques de catégories C, qui a servi jusqu’ici de prétexte.

Nous constatons partout la création de sections spécialisées ou "hors gabarit", alors que les recrutements se tarissent. Nous en concluons que derrière l’excuse des projets innovants censés justifier la création de postes, l’objectif était bien de faire exploser le cadre de travail des agents, la section territoriale et généraliste, au profit de ces sections d’un type nouveau où seront désormais redéployés les agents issus de l’emploi ou de sections "normales".

Nous constatons la frilosité de notre hiérarchie à admettre que ce sont les agents en section qui demeurent la cheville ouvrière des services. Nous en concluons que l’objectif était bien de décrédibiliser leur travail et de mettre en cause la revendication de création de sections portée par les organisations syndicales.

La RGPP, dernier avatar de la « modernisation » de l’Etat était jusqu’à présent inacceptable ; elle devient franchement indécente dans le contexte actuel de crise aiguë du libéralisme. Son objectif premier, mais non le seul, est en effet de diminuer les dépenses de l’Etat au travers des suppressions d’emploi (120 à160.000 dans les trois à quatre prochaines années), qui devraient s’effectuer en outre dans les modalités de la future loi Mobilité : ces suppressions sont aussi désastreuses, au vu de la dégradation des services publics qu’elles vont générer, que dérisoires quant aux économies financières de court terme qu’elles autoriseront (car rien ne permet, bien au contraire, de présumer qu’elles n’auront pas un coût social, voir économique, bien supérieur à moyen et long termes pour la collectivité publique).

Ces économies apparaissent encore plus dérisoires et scandaleuses à l’aune des 15 milliards de réduction d’impôts aux contribuables les plus privilégiés, des 65 milliards d’aides aux entreprises accordées sans contrepartie, et des 360 milliards que le gouvernement et les institutions financières sont disposés à mobiliser pour sauver essentiellement des organismes bancaires privés.

L’autre objectif, masqué sous les oripeaux les plus divers, « convergences », « positionnements », « conduites intégrées », etc, est de fait celui du démantèlement de la plupart des administrations du pays. Plus précisément, le tableau concernant le ministère du travail, tel que rêvé par le Comité de Pilotage, tient bien davantage du champ de ruines !

  • Démantèlement de son administration centrale (exit la DGEFP, la DILTI atomisée, bientôt la DARES exilée, et de très grosses craintes pour l’avenir de la DAGEMO, voire de la DGT) ;
  • Disparition des DRTEFP, mutualisations annoncées de nombreux services « supports », menaces de transfert de certaines missions dans les préfectures et désengagement de l’Etat sur les missions Emploi, du contrôle des chômeurs à l’Accre et aux Cotorep.
  • Disparition des DDTEFP et fusion de plusieurs administrations au sein d’unités territoriales qui risquent de relever davantage de la confusion des objectifs et des tâches sous l’égide du mot d’ordre unique de la croisade pour la Compétitivité-des-entreprises (Il est pour le moins significatif que l’expression « protection des salariés » n’apparaisse pour la première fois dans le rapport de la mission d’appui au comité de pilotage qu’à l’occasion des « mutations économiques, revitalisation et PSE »(p.21) : traduisez : licenciements économiques ! ! )

Bref, la DIRECCTE et ses déclinaisons locales, c’est moins d’agents pour remplir les missions de service public, c’est la réduction, voire la suppression en certains cas, des administrations de proximité , c’est un regroupement de services à vocations très différentes, mais dans une direction à logique unique, au seul service des entreprises, des gestions d’employeurs pour être plus précis (« fluidité du marché », dit-on en PACA…).

Exit le social, et particulièrement la protection des droits des salariés : la RGPP ou le dernier bastion du libéralisme économique, à l’heure où la crise financière et économique actuelle vient dénoncer l’ineptie de ses dogmes les plus fondamentaux, comme l’autorégulation des marchés.

Nous soupçonnions que le centième anniversaire du ministère du travail célébré en 2006 par le ministre de l’époque était tout autant annonciateur de son enterrement proche : le ministère du travail noyé et dissous dans le bouillon des DIRRECTE, tel que le préfigurent les apprentis sorciers Rgépépistes, ressemble à s’y méprendre à sa non existence d’avant 1906, quand il n’était qu’un simple service du ministère du commerce, quand précisément le social se voyait dénier toute autonomie par rapport à l’économique.

En fait de modernisation, on a connu mieux que ce retour à l’ère de la négation institutionnelle du social, du triomphe de la finance, du canal de Suez et des affairistes de la Troisième République. Accessoirement, la fin piteuse du PDMIT en est un signe avant-coureur, plan de pseudo modernisation dont on ignore aujourd’hui si son financement peut être encore assuré, qui en est aujourd’hui réduit à substituer à des créations de postes promises des « redéploiements » dont on ignore la teneur et la faisabilité. Nous en concluons qu’il s’agit d’une restructuration, accompagnée de suppression de postes, et qui ne dit pas son nom.

La réforme de l’Etat ne passe pas que par ce mouvement de dissolution de l’identité des services et des missions que programme la RGPP : elle se déploie également sur un axe tout aussi destructeur de la conception de l’administration républicaine à la française.

La politique actuelle du gouvernement se déploie en effet sur un double niveau :

      • Elle consiste à remplacer progressivement les instances administratives de direction, les administrations centrales, ou pour le moins à les casser et à les affaiblir sérieusement, en faveur d’administrations de cabinets ministériels, donc éminemment plus politiques (comprenez : sous subordination intégrale du politique, donc du gouvernement).
        A ce titre, un article récent du journal Le Monde nous apprend que depuis septembre 2007 les effectifs des cabinets ministériels ont augmenté de 20%, et ceux des sites ministériels de 15% ! et que les augmentations des primes accordées aux personnels de ces cabinets sont encore plus scandaleuses. Deux exemples : à Matignon, +45% / au Travail, +31% ! Outre leur indécence en regard des diminutions d’emploi effectuées et programmées dans l’administration publique et des pertes de pouvoir d’achat d’une très grande majorité des fonctionnaires depuis plusieurs d’années, de telles pratiques sont révélatrices de la volonté d’ériger un corps ministériel pour déposséder de ses compétences une administration qui, tant bien que mal, parvenait à conserver un de ses attributs essentiels depuis la Libération, sa neutralité, face aux changements de gouvernements et d’orientations politiques.
      • Elle consiste pour les autres agents des administrations à casser leurs garanties statutaires, dont la plus importante, celle de l’emploi (loi Mobilité), pour leur substituer une logique contractuelle quasi de droit privé.

Dans ces deux cas, il s’agit d’abolir deux caractéristiques essentielles de l’administration française ou ce qu’il en reste : sa neutralité et l’indépendance que lui confère son statut.
Subordination au politique et subordination contractuelle doivent être désormais les maîtres mots. En outre nous constatons que dans ce cadre l’Etat ne renforce pas son action et sa présence sur le terrain mais se désengage pour laisser la place à la sous-traitance, l’externalisation.

Après avoir vendu les grandes entreprises publiques, il brade les services déconcentrés en arguant d’une plus grande clarté pour l’usager citoyen. Il est vrai que lui affirmer notre incapacité à agir, le renvoyer vers des agences seront des actes clairs où il ne pourra que constater l’impuissance des services publics à remplir leurs missions de garants de l’intérêt général et d’égalité de tous devant la Loi.
On peut craindre qu’à terme la mode du tout contrat ne soit la règle dans les relations de l’Etat avec les citoyens.

Même si l’attaque est sans précédent dans l’histoire de la République sociale, il n’y a là rien qui doive nous surprendre : Monsieur Sarkozy et son gouvernement n’ont de cesse de réduire au silence et d’asservir tous les corps qui conservent encore ou manifestent un tant soit peu d’indépendance et de liberté d’action face à l’exécutif : magistrats, enseignants, chercheurs, journalistes, inspection du travail, et aujourd’hui tous les agents de la puissance publique.

La RGPP s’inscrit dans ce mouvement ou tentative continu de caporalisation de la société par un régime de plus en plus autocratique. Après la troisième République, le troisième Empire ? Le culte du résultat mis en place au détriment de la politique de moyens a condamné la fonction publique. Celle-ci n’est plus que l’ombre d’elle-même et elle s’éteint, à petits feux, à petits pas. « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », c’est ce qui se passe aujourd’hui avec les services déconcentrés et les préfets, sous tutelle directe de l’exécutif, sont les vétérinaires qui doivent veiller à ce que le sac soit bien hermétiquement fermé avant immersion.

Alors vous pouvez nous présenter comme rétrogrades, comme les défenseurs du « c’était mieux avant », mais permettez nous d’apporter quelques bémols à ce rôle que politiques, petits et grands, voudraient nous voir tenir.

Nous voulons des modifications en profondeur de la fonction publique en général et de nos services en particulier :

  • Plus d’agents pour contrôler les entreprises, la formation professionnelle, les subventions distribuées,
  • Plus de moyens pour la réalisation de nos missions pour informer l’usager, pour garantir l’égalité de tous devant la Loi,
  • Moins de fatras législatif mais un code du travail clair, précis, unique et garantissant les droits et intérêts de tous les travailleurs.

Dans ce contexte il est évident que nous ne pouvons que combattre les différents projets qui nous sont soumis car aucun d’eux ne prend en compte ni les revendications des agents, ni les intérêts des usagers. Pour ces raisons, alors que nous revendiquons depuis des lustres la fusion des 4 inspections, nous voterons contre les projets de décrets relatifs à celle aujourd’hui proposée notamment pour les raisons suivantes : spécialisations maintenues et encouragées, précipitation du calendrier, suppression des postes aujourd’hui vacants, transfert insuffisant des moyens financiers, avenir professionnel plus qu’incertain pour les agents n’étant pas au contrôle

De tout cela nous en concluons que notre hiérarchie cherche à profiter de cette braderie monstre pour restructurer nos services en profondeur, et créer des services d’inspection à sa main, en fonction d’impératifs d’affichage et d’objectifs de contrôle politiques. Enfin, et ceci s’adresse directement à vous M. le DAGEMO, nous craignons que ce CTPM ne soit un des derniers de ce ministère et que vous-même ne soyez le dernier DAGEMO. Ceci étant cette crainte est bien tempérée par l’idée que vos prédécesseurs et les cabinets ministériels ont eue et ont du dialogue social.

Le 12/11/2008

Déclaration SUD-TAS au CTPM du 13 novembre 2008


Article publié le mardi 25 novembre 2008